Dans le monde de la voyoucratie où la règle première est que personne ne "balance", il apparaît improbable de livrer un nom. C'est ainsi qu'en décembre 2014, muselé sur le banc de la Cour d'assises de Vaucluse, Youness Ibrahimi, 33 ans, accusé d'avoir participé le 24 juillet 2012 au braquage du gérant d'une station-service au Pontet, a dû se contenter, lors de son procès, de marteler qu'il était innocent. Sans pouvoir livrer le nom qui lui brûlait les lèvres. Lorsque le verdict le déclarant coupable et le condamnant à douze ans de réclusion criminelle est tombé, sa famille a décidé de se battre. Avec, en première ligne, telle une pasionaria, sa soeur Hanane.
Un nom de coupable est livré
Si Hanane Ibrahimi n'a jamais soutenu son frère lors de ses nombreux démêlés judiciaires, l'injustice l'a révoltée. Convaincue de l'innocence de son frère dans ce braquage, cette mère de famille - qui a servi au sein de la Gendarmerie nationale - a fait appel à des détectives privés pour mener une contre-enquête et a pris des risques insensés. Allant jusqu'à enregistrer des conversations téléphoniques avec des détenus, chercher à introduire une caméra espion au sein de la détention, à la prison du Pontet. Ou encore, avec son mari, à convaincre Hakim, celui qui pour la famille apparaît comme étant "le" coupable", à venir chez eux pour recueillir à son insu ses confidences.
Hakim aurait promis d'enregistrer ses aveux avant de partir s'installer en Algérie. Mais voilà, tout à fait pschitt car depuis il s'est rétracté. Soutenant avoir parlé sous la contrainte. Le mari d'Hanane a d'ailleurs été condamné après cet épisode rocambolesque.
Un supplément d'information
À la demande de Me El Bouroumi, Me Billet et Me Rebstock, conseils de Youness Ibrahimi, un supplément d'information a toutefois été ordonné par la Présidente de la Cour d'assises du Gard, avant la tenue du procès en cause d'appel. Un espoir pour la famille de Youness Ibrahimi que la justice regarde le dossier sous un nouveau prisme.
Des éléments troublants ont en effet été pointés lors de la contre-enquête et la justice se devait de procéder à des vérifications, afin d'assurer la tenue d'un procès équitable. D'autant que pour la défense, le nom d'un coupable est apparu. Reste que Hakim, qui pourrait être cité comme témoin devant la juridiction d'appel, a maintenu ses protestations d'innocence.
Quant à Mohamed El Yaagoubi, condamné à 20 ans de réclusion dans cette affaire, il dédouane Youness Ibrahimi dans des enregistrements pirates. Mais il va sans doute esquiver et tenir la même posture que lors du premier procès : "il va assumer sa part" confie le bâtonnier Gardien qui assure désormais sa défense au côté de Me Mourad.
"Ce n'est qu'un feu de paille"
Pour la partie civile la défense a relevé un pari insensé. "Cette contre-enquête n'est qu'un feu de paille destiné à parasiter le procès" assure Me Jaouen qui reste convaincu que les deux accusés sont bien les auteurs du braquage. "Je les reconnais tous les deux" avait confirmé lors du procès la victime.
Le 24 juillet 2012, alors qu'il se rendait en scooter dans une banque du Pontet pour déposer la recette de la station-service qu'il gère, Serge Requin a été percuté par une voiture. Gazé par le passager, il se relève et se bat avec cet homme, qui va obtenir le renfort du chauffeur. Puis le passager rejoint la voiture, prend un sabre et en porte un coup au gérant de la station essence.
Mohamed El Yaagoubi sera rapidement identifié par son ADN. Les enquêteurs vont ensuite se focaliser sur Youness Ibrahimi, une de ses relations avec qui il est impliqué dans une autre affaire... mais qui assure que ce n'est pas lui qui, le 24 juillet 2012, faisait équipe avec El Yaagoubi. Il se trouvait ce jour-là avec une amie dans un hôtel de Rochefort-du-Gard et l'a raccompagnée en début d'après-midi à la gare d'Avignon. Avant de se rendre, avec une heure de retard, à un rendez-vous avec son conseiller d'insertion.
Ce soir sur TF1
À la veille du procès, épuisé par des mois de combat et de doute, Hanane Ibrahimi a lancé une dernière bouée à la mer. Pour médiatiser le dossier au plan national, elle a sollicité l'association "Robin des Lois". À l'écoute et un brin fasciné par cette histoire qu'il ne manque pas de qualifier d'"extraordinaire" François Korber, le délégué général de l'association qui milite pour la défense des droits de l'Homme, a suscité l'intérêt de plusieurs médias nationaux avec en première ligne "TF1". Dimanche à 18 h 30, l'émission "sept à huit" présentée par Harry Roselmack diffuse un reportage de Jean-François Firey produit par "Éléphant et cie" sur le combat de la famille de Youness Ibrahimi.
Bruno Hurault